Aide belge au développement, rapport 2017

Le Rapport 2017 sur l’aide belge au développement présente une analyse critique de l’évolution des politiques belges en matière de coopération au développement. Outre une présentation des tendances observées dans le contexte international, il étudie l’aide sous trois principaux angles : la quantité de l’aide, sa qualité, ainsi que la cohérence des politiques en faveur du développement. Il présente enfin un « zoom » thématique, consacré cette année au blending, pratique montante dans le domaine de la coopération, qui consiste à utiliser l’aide publique au développement (APD) comme levier pour mobiliser le secteur privé.

Le contexte international a été marqué par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et par l’intensification des conflits et des crises humanitaires au Moyen-Orient et en Afrique. Le premier événement marque un tournant dans les relations internationales et met en péril le système multilatéral. Le second phénomène rend le voisinage européen de plus en plus instable et dangereux. Si l’aide mondiale au développement a atteint le montant record de 142,6 milliards USD en 2016, cette augmentation n’a toutefois pas bénéficié aux pays les plus pauvres, qui ont enregistré une baisse de 4% de l’aide au développement en 2016. L’aide est en effet de plus en plus mobilisée pour enrayer les flux migratoires, répondre aux crises humanitaires d’urgence et mobiliser le secteur privé dans les pays à revenu intermédiaire, plutôt que pour financer des programmes de développement dans les pays les moins avancés. En outre, les coupes budgétaires annoncées par l’administration Trump et la baisse du nombre de demandeurs d’asile en Europe laissent augurer une baisse significative de l’aide mondiale dès 2017.
La quantité de l’aide belge a enregistré un rebond entre 2015 et 2016, passant de 0,42% à 0,49% du revenu national brut. Toutefois, ce rebond s’explique essentiellement par la hausse des frais liés à la gestion des migrations (comptabilisation des frais d’accueil des demandeurs d’asile en Belgique, accords avec des pays tiers visant à enrayer les migrations) et celle de l’aide humanitaire d’urgence. De plus, ce rebond précède de nouvelles coupes en 2017, visant tant la CTB que les programmes non-gouvernementaux. Dès 2015, la forte hausse de la comptabilisation des frais d’accueil des demandeurs d’asile avait fait de la Belgique la première destinataire de sa propre aide au développement, ces montants étant supérieurs à la totalité du budget opérationnel de la CTB. Ces chiffres ont continué à augmenter en 2016 : cette rubrique s’élève désormais à 349 millions EUR, soit plus que la totalité de l’aide gouvernementale.

Au niveau de la qualité de l’aide, le gouvernement belge a finalisé au début de l’année 2017 son projet de réforme de la Coopération technique belge, qui sera bientôt rebaptisée Enabel. La réforme implique une intégration des représentations de l’agence dans les pays partenaires au sein des ambassades, ainsi qu’un élargissement de son mandat lui permettant de s’inscrire dans le cadre plus large des ODD. Une autre évolution notable est l’utilisation croissante de l’APD belge comme levier de mobilisation de fonds privés. Cette pratique nécessiterait de faire l’objet de balises garantissant l’adaptation au contexte des pays partenaires, le respect des principes de l’efficacité de l’aide et la contribution au développement durable. Par ailleurs, la Belgique a adopté une nouvelle note stratégique Agriculture et sécurité alimentaire qui se concentre sur la participation des exploitations familiales à potentiel com- mercial aux chaînes de production de valeur, mais ne propose pas de solution durable aux 30 à 60% de petits paysans et de ménages sans terre. La promotion par la Belgique de l’initiative She Decides en faveur des droits sexuels et reproductifs a permis d’atténuer l’impact de la suppression de financements dans ce secteur par le président américain Donald Trump. Enfin, le lancement d’un Fonds fiduciaire de lutte contre les causes des migrations irrégulières en Afrique pose la question de l’utilisation de l’aide au développement au service de politiques qui ne visent pas principalement l’atteinte des Objectifs de développement durable.

En matière de cohérence des politiques en faveur du développement (CPD), l’existence de mécanismes de coordination et d’évaluation depuis 2014 ne permet pas de pallier le manque d’engagement politique au plus haut niveau. La Conférence interministérielle sur la CPD ou, à tout le moins, un groupe de travail au sein de la Conférence interministérielle sur la politique extérieure, se fait toujours attendre. Ceci freine la mise en place d’une approche pangouvernementale et nationale. L’année écoulée a par ailleurs été marquée par des décisions tantôt positives, tantôt négatives par rapport à la CPD. En termes de cohérence, on relève la décision de partager la tutelle de la représentation belge à la Banque mondiale entre les ministres des Finances et de la Coopération, ainsi que le renoncement par la banque ING à financer l’élargissement d’une mine de charbon en Indonésie. L’absence de plan national climat et le maintien des ventes d’armes à l’Arabie saoudite malgré les violations du droit international humanitaire constituent par contre des cas d’incohérence.

Enfin, le zoom est consacré à la pratique du blending , qui consiste à utiliser l’APD comme levier pour attirer des investissements privés dans les pays en développement, afin de démultiplier les moyens disponibles. Si cette pratique a permis d’attirer des fonds additionnels dans les pays en développement, seuls 5% de ces investissements ont bénéficié aux pays les plus pauvres. De plus, le blending ne s’oriente pas suffisamment jusqu’ici vers les PME locales et sa contribution à l’atteinte des Objectifs de développement durable est difficile à mesurer. Il convient dès lors de l’accompagner de balises garantissant le respect des principes de l’efficacité de l’aide, des normes sociales et environnementales ainsi que des droits humains.