Traité sur les multinationales : Un pas en avant pour une mondialisation maîtrisée aux Nations Unies
Si les traités transatlantiques (TTIP et CETA) ont suscité tant de protestations, c’est parce qu’ils visaient à accroître le pouvoir des acteurs les plus puissants de la société – les firmes transnationales. Une alternative existe : un tout autre traité, qui a l’ambition de protéger le plus grand nombre et les plus vulnérables. L’idée n’a rien d’utopique. Elle vient même d’enregistrer des progrès très concrets aux Nations Unies. Les élus sont appelés à faire avancer ce projet historique dès les prochains mois.
Le rapport de la session 2017 pour un nouveau traité à l’ONU est adopté
Ce lundi 13 novembre a été adopté le rapport de la troisième session de travail à l’ONU pour élaborer un nouvel instrument international juridiquement contraignant pour réglementer les activités des entreprises dans le cadre des droits humains. Il s’agit d’un nouveau pas en avant dans un processus vers une avancée historique : inverser la hiérarchie des normes actuellement en vigueur dans la mondialisation, placer l’humain au-dessus du commerce et donner enfin accès à la justice et à la réparation aux perdants de la mondialisation. En bref : là où les traités transatlantiques TTIP et CETA étaient conçus par les acteurs les plus puissants de la société – les firmes transnationales – pour accroître encore leur pouvoir, voici un tout autre traité qui a l’ambition de protéger le plus grand nombre et les plus vulnérables.
Le rapport invite les Etats et les différentes parties prenantes à soumettre des commentaires et propositions écrites pour fin févier sur base du texte mis en discussion, pour avancer vers la session de 2018 et un premier projet de traité à proprement parler. Les élus, dans les parlements et gouvernements, sont donc invités à avancer sans tarder vers un engagement substantiel pour dessiner les contours de ce futur traité. La société civile est toute disposée à y contribuer.
Un appel de longue date de la société civile, enfin entendu ?
Un appel de longue date de la société civile, enfin entendu ?
Aux quatre coins du monde, des populations sont régulièrement victimes de violations de leurs droits fondamentaux et n’ont pas accès à la justice, en particulier lorsqu’une partie de la responsabilité émane d’une société-mère ou donneuse d’ordre à l’autre bout de chaînes d’approvisionnement mondialisées.
Pour combler ces lacunes, pour mettre l’économie mondiale au service d’un monde juste et durable, des organisations de la société civile des quatre coins du monde ont lancé un appel en 2013 pour transformer ce principe en réalité via un nouveau traité [1]. Cet appel a été entendu par plusieurs Etats membres de l’ONU, qui ont initié au Conseil des droits de l’homme de l’ONU un processus visant à développer un tel instrument [2].
Ce 23 octobre 2017, ce processus est entré dans sa troisième session, se rapprochant d’une phase de négociations proprement dite, avec des éléments de texte qui pourraient constituer le futur traité [3]. Les autorités belges et européennes doivent être les championnes du multilatéralisme et des droits humains, et devenir une force motrice de ce processus.
En 2017, les premiers pas vers la réelle négociation d’un traité
La session de 2017 fut la première session de négociation à proprement parler en ce sens que des premiers éléments de texte ont été publiés et discutés.
Pour la société civile belge, réunie en une large plateforme représentant une diversité d’acteurs [4], ce traité doit reprendre au moins : des obligations territoriales et extraterritoriales pour les Etats d’agir individuellement et conjointement pour réguler les opérations des entreprises ; des mécanismes de remédiation et de sanctions, y compris une juridiction supranationale là où les juridictions nationales font défaut, accessibles aux personnes affectées et défenseurs des droits humains ; la primauté des droits humains – en ce compris les conventions fondamentales de l’OIT – sur le droit commercial et de l’investissement, ainsi qu’une responsabilité légale des entreprises et des étapes précises de diligence raisonnable à travers les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Dans les premières étapes, la Commission européenne et les gouvernements des Etats membres affichaient une franche réticence vis-à-vis de ce processus. Sous l’impulsion du Parlement européen, la position de la Commission évolue à petits pas, mais les réticences restent importantes au sein des Etats membres. On craignait que les grandes puissances, notamment USA et UE, ne sabotent le processus puisqu’ils s’étaient opposés à son lancement en 2014. Or, on doit saluer le fait que, à très petits pas, l’attitude de l’UE évolue. En effet, lors de la session d’octobre 2017, elle a participé activement aux débats et posé de nombreuses questions de fond sur les éléments à inclure au traité.
La Belgique a fait partie des Etats membres qui ont poussé l’UE à adopter cette attitude constructive. Tout ça sous l’impulsion de la société civile. Le représentant européen l’a dit explicitement en début de session : sans les centaines de représentants de la société civile internationale présents et la vigilance de milliers d’autres à travers le monde, l’UE aurait peut-être quitté la salle le premier jour, comme elle l’a fait en 2015.
Un blocage évité de justesse
Les USA par contre ont adopté une attitude ouvertement destructive : absents toute la semaine, ils sont apparus le dernier jour dans une réunion informelle pour tenter de mettre fin au processus. Leurs arguments ont été en partie suivis par l’UE et on a sérieusement craint de finir la semaine sans consensus. Cette intervention des USA, qui a quitté la pièce juste après, a contribué à empêcher que la semaine ne se conclue sur un engagement ferme de tenir une nouvelle session de négociation en 2018 basée sur un premier draft de traité.
On peut tout de même se réjouir que la plupart des délégations aient finalement démontré une certaine flexibilité pour aboutir à des conclusions qui font consensus et qui se projettent dans l’avenir, avec des consultations qui commenceront très bientôt pour se mettre d’accord sur la suite.
Appel aux élus : avançons sans tarder vers une mondialisation maîtrisée
Surtout, les recommandations finales du rapporteur appellent les gouvernements et la société civile à soumettre des réactions et propositions écrites aux éléments de texte de traité proposés. Il convient dès lors de se mettre au travail sans attendre pour que la Belgique, l’Union européenne et un maximum d’Etats, de Parlements et d’acteurs de la société civile alimentent ce futur traité, qui mettrait enfin l’économie mondiale au service de l’intérêt général et protégerait légalement les perdants de la mondialisation.
[1] Voir http://www.stopcorporatei...
[2] Voir le texte de la résolution adoptée en 2014 : http://ap.ohchr.org/Docum...
[3] Voir les « élements pour le projet d’instrument juridiquement contraignant » : http://www.ohchr.org/Docu...
[4] Position de la plateforme belge « commerce juste et durable » : www.cncd.be/tribunal