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Traité sur la Charte de l’énergie : l’accord modernisé reste contraire aux accords de gouvernement
La version révisée du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE), sur laquelle la Belgique doit se positionner le 3 octobre, est contraire aux accords de gouvernement fédéral, wallon et bruxellois : elle contient toujours une clause d’arbitrage investisseur-État de type « ISDS » (Investor-to-State Dispute Settlement), qui permet à un investisseur étranger d’attaquer un État devant un tribunal d’arbitrage privé pour contester non seulement des expropriations directes (nationalisations arbitraires) mais aussi des expropriations indirectes, c’est-à-dire des législations d’intérêt public mettant en question la pérennité des investissements réalisés et engendrant une réduction des profits escomptés au moment d’investir.
Que disent les accords de gouvernement ?
Accord de gouvernement fédéral(page 89) :
« La Belgique contribuera à la création d’un tribunal multilatéral d’investissement où le respect des normes environnementales et sociales et des droits de l’Homme doit également être central. En attendant la mise en place d’un tel tribunal, dans les relations commerciales et d’investissement bilatérales entre l’Union européenne, d’une part, et les pays tiers, d’autre part, le gouvernement veillera à ce que l’accord prévoie la création d’un tribunal de règlement des litiges, qui offre des garanties substantielles quant à son indépendance et au respect de l’État de droit ».
Déclaration de politique générale du gouvernement bruxellois (page 126) :
« Le Gouvernement refusera également la juridiction supranationale privée permettant aux entreprises de poursuivre des Etats directement ».
Déclaration de politique régionale pour la Wallonie (pages 118-119) :
« Tout en tenant compte des différences objectives entre les parties aux accords, là où elles sont pertinentes, le Gouvernement conditionnera son accord aux mandats de négociation et à la délégation de pouvoir pour la signature de la Belgique des accords de commerce et d’investissement européens (...) à l’absence de juridiction supranationale privée permettant aux entreprises de poursuivre des Etats directement, et à l’interdiction des demandes de réparation pour expropriation indirecte ».
La solution ? Sortir collectivement du TCE en neutralisant la sunset clause
Le maintien d’un ISDS dans la version révisée du TCE est non seulement contraire aux accords de gouvernement, mais il est également incohérent par rapport aux Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 et surtout illégal au regard du droit européen, tel que confirmé à plusieurs reprises par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
En l’absence de réforme systémique de l’ISDS dans le TCE modernisé, la seule solution pour mettre fin à cette contradiction politique, mettre fin à l’effet paralysant de l’ISDS sur les politiques climatiques et se conformer aux décisions de la CJUE est que la Belgique rejette le TCE modernisé et plaide pour un retrait coordonné de l’Union européenne et de ses Etats membres, en neutralisant la clause de survie via un accord inter se.