Limites de l’exercice
Premièrement, les élections palestiniennes à venir ne peuvent pas être assimilées l’exercice d’une démocratie réelle par le fait même qu’elles se dérouleront dans le contexte de l’occupation israélienne. Les Palestiniens ne bénéficient d’aucune souveraineté sur leur territoire, l’Autorité palestinienne (AP) était tout au plus une puissance administrative aux compétences et aux moyens limités. Elle a été créée par les Accords de paix d’Oslo, aujourd’hui considérés comme un processus mort. Pour l’avènement d’une démocratie réelle en Palestine, il est donc avant tout nécessaire de mettre fin à l’occupation israélienne.
Deuxièmement, tel qu’annoncé, le renouvellement du Conseil national palestinien, l’organe législatif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ne fera pas l’objet d’élections. Des élections auraient pourtant répondu aux appels, nombreux, à une redynamisation et une démocratisation de l’OLP. L’OLP est en effet l’organe qui bénéficie de la plus grande légitimité au sein de la population palestinienne, étant donné qu’il inclut les réfugiés palestiniens. Mais depuis les Accords d’Oslo, l’organe a été délaissé au profit de l’AP, notamment du fait de la politique des bailleurs. Aujourd’hui, les voix palestiniennes sont nombreuses à demander des élections du Conseil national palestinien. Or le décret présidentiel du 15 janvier parle de renouvellement et non d’élections pour le CNP.
Opportunités
Les élections palestiniennes annoncées pour 2021 peuvent par ailleurs être considérées comme une opportunité pour plusieurs raisons.
Premièrement, il est nécessaire de souligner que ce sont avant tout leurs difficultés internes et le contexte international qui semblent avoir poussé le Fatah et le Hamas à s’entendre sur la tenue d’élections, ce qui ne présageait pas d’une mobilisation des électeurs. Contre toute attente néanmoins, la CEC a annoncé un taux d’enregistrement de 93% avec 2,6 millions de Palestiniens enregistrés, sur les 2,8 millions habilités à voter, ce qui montre que la société palestinienne voit dans ces élections une certaine opportunité de changement.
Deuxièmement, les élections du CLP relanceront les processus démocratiques dans le système politique palestinien et assureront le renouvellement des institutions palestiniennes légitimes. Elles contribueront en outre à la séparation des pouvoirs, notamment entre les pouvoirs législatif et exécutif, et réduiront l’empiètement de l’autorité exécutive sur les pouvoirs judiciaire et législatif. La réhabilitation du CLP pourrait donc améliorer la redevabilité des dirigeants palestiniens et la transparence des processus décisionnels.
Troisièmement, ces élections portent en elles un espoir de réconciliation inter-palestinienne. Depuis la victoire du Hamas aux élections de 2006, et l’éviction forcée du Fatah de la bande de Gaza en 2007, les tentatives de réconciliation entre les deux formations ont été nombreuses mais rarement couronnées de succès. Même si les risques existent encore d’assister à une crispation des positions du Fatah et du Hamas, leurs intérêts semblent aujourd’hui les mener vers une réconciliation à plus long terme.
Enjeux
Pour saisir ces opportunités, nous avons identifié, avec nos partenaires palestiniens, des enjeux-clés que l’Union européenne et la Belgique doivent prendre en compte.
Reconnaissance des résultats
Alors que l’UE avait envoyé une mission pour observer les élections de 2006 et déclaré qu’elles s’étaient déroulées en toute régularité, elle n’en a pas reconnu les résultats et cela du fait de la victoire du Hamas. Or les règles de non-engagement adoptées par l’UE vis-à-vis du gouvernement issu des urnes en 2006 ont fini par contredire ses objectifs dans la région. Il est dès lors indispensable que l’UE revoie les conditions de son financement de l’AP et ses règles d’engagement avec tout gouvernement palestinien sorti des urnes, en amont des élections législatives de mai 2021, et cela afin de ne pas reproduire l’erreur commise en 2006.
Vote des Palestiniens de Jérusalem-Est
Pour les factions palestiniennes, il n’est pas question de tenir un scrutin sans la participation des Palestiniens de Jérusalem-Est. Pour rappel, en 2006, Israël s’était opposé à la tenue du vote à Jérusalem-Est à cause de participation du Hamas au scrutin. Les élections législatives avaient finalement pu se dérouler à Jérusalem-Est suite aux pressions internationales. Maintenant que les élections israéliennes du 23 mars sont passées, il est donc nécessaire d’obtenir un engagement du gouvernement israélien sur la tenue des élections, mais aussi sur la possibilité pour les candidats de faire campagne à Jérusalem-Est.
Participation et le vote des prisonniers palestiniens
Les dirigeants politiques palestiniens sont régulièrement arrêtés et détenus dans le cadre d’un effort continu d’Israël pour empêcher les processus politiques palestiniens et, par conséquent, la souveraineté politique et l’autodétermination palestinienne. A l’annonce des prochaines élections, la Commission électorale centrale (CEC) a demandé à Israël de pouvoir organiser les élections dans les prisons, avec le concours du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le vote des prisonniers est en effet important, ainsi que leur capacité à se présenter. Outre 12 membres du CLP encore emprisonnés (dont 9 en détention administrative), plusieurs Palestiniens emprisonnés dans les prisons israéliennes se sont en effet portés candidats pour les prochaines élections législatives.
Respect des principes démocratiques
La démocratie ne se résume pas à la tenue d’élections. Le respect des droits humains et des libertés fondamentales est également une condition nécessaire d’une société démocratique. Comme rappelé dans le rapport « Occupation and shrinking space » publié par le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand en janvier 2020, l’occupation et la colonisation israéliennes entraînent des violations massives des droits humains des Palestiniens. En outre, les dérives autoritaires des autorités palestiniennes, que ce soit l’AP en Cisjordanie ou l’autorité de facto du Hamas à Gaza, mettent également en danger les droits et libertés des Palestiniens vivant dans le territoire occupé.
Représentation des jeunes et des femmes
Alors que la jeunesse représente une majorité de la société palestinienne, elle est marginalisée. 63 % de l’électorat palestinien ont ainsi moins de 40 ans. Les organisations de la société civile palestinienne demandent donc une meilleure représentation pour les jeunes.
La nouvelle loi électorale a porté la représentation des femmes à 26 %, ce qui est inférieur à la décision prise par le conseil central de l’OLP d’augmenter le quota à 30 %. Les organisations palestiniennes de défense des droits des femmes demandent aux partis politiques d’augmenter le nombre de femmes inscrites dans les premiers noms des listes, afin de parvenir à un plus grand nombre de femmes élues. Enfin, elles défendent une représentation égale, plutôt qu’un quota spécifique.
Incidence de la pandémie de Covid-19
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Coronavirus
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La possibilité de tenir des élections en mai 2021 dépendra de la prévalence de la pandémie de Covid-19 dans le territoire palestinien occupé. Alors qu’Israël se profile comme le champion mondial en termes de vaccination contre le Covid-19, il n’a pas inclus les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza dans sa stratégie de vaccination, alors qu’il en a l’obligation en tant que puissance occupante. Une large coalition de la société civile palestinienne appelle donc les Etats tiers « à respecter et à faire respecter les conventions de Genève, notamment en veillant à ce qu’Israël, puissance occupante, fournisse à l’Autorité palestinienne des vaccins COVID-19 permettant de sauver des vies, qui seront distribués à la population palestinienne occupée protégée ».